Au Rite Ecossais Ancien Accepté, à l’ouverture des travaux, un certain nombre de questions sont posées aux  Surveillant par le Vénérable Maître.

 

VENERABLE MAÎTRE : Frère Second Surveillant, quel âge avez-vous au grade d’Apprenti ?

 

SECOND SURVEILLANT : Trois ans Vénérable Maître !!!

 

VENERABLE MAÎTRE : Frère Premier Surveillant, à quelle heure les Apprentis Maçons ouvrent-ils leurs travaux ?

 

PREMIER SURVEILLANT : A midi, Vénérable Maître !!!

 

VENERABLE MAÎTRE : Frère Second Surveillant, quelle heure est-il ?

 

SECOND SURVEILLANT : Il est midi Vénérable Maître !!!

 

C’est alors que le Vénérable Maître conclue : « Puisqu'il est l'heure, que nous avons l'âge et que tout est conforme au Rite frères Premier et Second Surveillants, veuillez informer les frères qui sont sur les colonnes, comme j'en informe ceux qui siègent à l'orient que je vais ouvrir les Travaux de cette respectable Loge par les mystères accoutumés ».

 

Puisqu’il est l’heure… Cela signifie t’il que les travaux commencent réellement à midi ? Non bien sûr, car nous sommes dans le cadre symbolique où tout n’est que suggestion se rapportant à l’esprit de notre rite et non à la lettre.

 

Les Maçons travaillent symboliquement de Midi à Minuit. Mais c’est dans les ténèbres qu’ils pénètrent silencieusement dans leur Loge, et c’est dans cette ambiance neutre et feutrée que chacun va prendre sa place pour accueillir les futurs officiants du rituel, nommés assez pompeusement « les Lumières de la Loge ». Sur l’Autel des Serments, une étoile luit dans les ténèbres et éclaire faiblement les trois Grandes Lumières de la Franc-maçonnerie que sont l’Equerre, le Compas et la Règle. Il n’est pas encore Midi, mais l’heure approche où l’Orient peu à peu va s’illuminer. 

 

Les questions fusent entre le Vénérable Maître et ses deux Surveillants. « Le Temple est-il couvert ? », les premiers devoirs sont-ils accomplis ? », « Quelle place tenons nous, et quelle est notre fonction, ». Puis, « Quel âge avez-vous au grade d’Apprenti ? » « Quel heure est-il ? ». C’est enfin, après toutes ces précautions d’usage que les ténèbres seront vaincues et qu’il sera procédé à l’illumination du Temple. Allumage simultané et progressif des colonnettes Sagesse (Delta Lumineux), Force (Soleil) et Beauté (Lune), puis mise en ordre des 3 grandes Lumières de la Franc-maçonnerie. Le Vénérable Maître fait alors son invocation au Grand Architecte de l’Univers, ainsi que son évocation au Progrès de l’Humanité, et voilà, il est Midi cette fois, les travaux peuvent prendre force et vigueur.

 

Alors que le temps profane du travail s’étend ordinairement du lever au coucher du soleil, le temps imparti aux travaux du Maçon s’arrête, délimité par le passage du soleil aux deux demi-méridiens.

 

Ici tout est symbole !!! A Midi le soleil est à son zénith, les maçons sont éclairés verticalement par sa lumière. Notre spiritualité est donc solaire puisque le Soleil et la Lune à l’Orient de la Loge l’atteste. Il est midi… C’est l’heure où tout s’illumine, où l’âme elle-même reçoit sa chaleureuse lumière. Auparavant, dans les heures qui ont précédées, les ténèbres se sont peu à peu estompées pour finalement être vaincues. Comme le marin qui à midi peut faire le point face à l’immensité de la mer sur laquelle il navigue, c’est aussi au midi de sa vie que l’homme fait le point pour se tourner vers autre chose que les biens matériels.

 

Le Franc-maçon doit symboliquement naitre au midi de sa vie profane, c'est-à-dire lorsqu’il s’est débarrassé des métaux qui encombraient son existence (emploi précaire, enfants en bas âge, etc..), pour ne s’éteindre qu’au terme de sa vie d’homme symbolisée par les ténèbres, c’est-à-dire lorsque son énergie l’abandonne et qu’aucune lumière ne vient plus éclairer son esprit.

 

C’est au Midi de sa vie que l’homme fait généralement le point et qu’il prend conscience qu’il ne grandira pas plus haut. Dans les temps précédents certaines ténèbres ont été vaincues : Il a à peu près, trouvé sa place dans la société, il a presque fait la paix avec lui-même et son enfance. Les biens matériels, la reconnaissance sociale ne suffisent plus à satisfaire sa soif, il cherche d'autres lumières. C'est le moment de s'avancer sur le chemin de l'initiation. A midi, l'homme n'est pas encore alourdit par la lassitude, il est encore temps de se remettre au travail. C'est aussi l'heure de se rendre utile pour ses semblables, de redonner ce qu'il a reçu et travailler sans relâche au bonheur commun, avant que ne commence une longue et irrémédiable descente vers un monde d’oubli où même ses qualités professionnelles auxquelles il était si attachées pour faire vivre sa famille, auront le goût amer du passé.

 

C’est quand il n’a plus rien à prouver que l’homme peut acquérir un nouveau sens à sa vie. Au midi de son existence, il va devoir choisir ce que sera son avenir. Peut être niera t’il avec véhémence cet état de fait, et continuera t’il son chemin de traverse qui immanquablement le conduira du Midi au Minuit de sa vie. Peut être aura-t-il un jour le choix de donner un autre sens au temps qui lui reste, informé ou choisi il pourra développer ses facultés intellectuelles en s’orientant vers telle ou telle association (la nôtre par exemple). Son chemin de Midi à Minuit deviendra alors une quête de l’éveil, un lent travail vers la véritable Lumière.

 

Traditionnellement, la franc-maçonnerie préfère accueillir ses membres au Midi de leur Vie, car ils sont plus disponibles, sans doute, mais aussi peut être plus motivés. 

 

C’est donc à midi que nous sommes appelés au travail, l’instant où nous sommes reliés, à la verticale de cette lumière que nous venons chercher. Il n’y a pas d’instant plus propice pour la recevoir, car 12 heures plus tard le Soleil sera passé au nadir, dans l’obscurité complète, ou presque, puisque nous ne serons plus qu’à peine éclairés par le reflet de la Lune.

 

Il est midi Vénérable Maître. Le Maître de la Loge se trouve alors juste entre les deux astres, et sous le Delta Lumineux, à la verticale de cette lumière que les égyptiens nommaient « l’ombre de dieu ». Dans la Bible, et au Livre des Justes, il est écrit « Alors Josué parla à l’éternel… soleil arrête toi sur Gabaon, et toi, lune sur la vallée d’Ajalon. Alors le soleil se tint immobile au milieu du ciel et près d’un jour entier retarda son coucher».

 

Le Vénérable Maître se tient à son plateau élevé de 3 marches comme Josué sur le mont Gabaon, et les Sœurs et Frères à ses pieds dans la vallée. Dans certains autres rites dont les rites égyptiens il est dit que la Loge se tient « à la vallée » du lieu où elle se réuni et non à « l’Orient de ce même lieu ».

 

Il est midi Vénérable Maître, le Franc maçon travaille désormais sous la Voûte Etoilée, en harmonie avec le cosmos. Il participe à la création et se dégage du temps qui coule dans le sablier. La Franc-maçonnerie est universelle, et il est toujours midi, quelque soit le lieu géographique et le temps terrestre où elle se manifeste.

 

Dans la tradition maçonnique, l’homme est replacé au centre de son Univers. C’est pourquoi dans la Loge, le Soleil et la Lune ne sont que deux miroirs reflétant l’énergie du Delta Lumineux. Symbole du principe créateur traversant l’espace intersidéral pour se manifester sur tout ce qu’il rencontre, la forme triangulaire du Delta correspond à celle d’une projection sur la matière. Les prêtres égyptiens ne s’y trompaient pas lorsqu’ils affirmaient que l’énergie créatrice ne venait vraisemblablement pas du Soleil mais de sa direction. Observateurs attentifs du mouvement des étoiles, ils avaient acquis la conviction que chacune d’elle était un soleil entouré de constellations. C’est pourquoi ils représentaient le nôtre comme étant le premier symbole visible de ce principe universel présent dans notre système solaire, pas son origine.

 

Dispensateurs de lumière sur l’une et l’autre de nos colonnes, le soleil comme la Lune présents à l’Orient de notre Loge ne font que refléter celle de ce grand Principe Universel, que l’on peut nommer sous 100 noms divers, mais que nous Francs-maçons avons appelé « le Grand Architecte de l’Univers », voir le « Grand Architecte de tous les mondes »… A son plateau, dans la chaire du Roi Salomon, le Vénérable Maître préside, verticalement éclairé par le Delta Lumineux. Il n’est pas la Lumière, il la reflète et en porte témoignage par transmission, comme le fit Saint Jean dans le Prologue qui porte son nom, et qui souvent symbolise la Règle Morale sur l’Autel des serments.

 

Il est midi Vénérable Maître ! « A ce moment du rituel, le temps s’arrête, quelque soit la durée des travaux. Que l’évènement dure une seconde, une minute ou une heure peu importe, sa valeur n’est pas dans la durée, nous avons basculé dans un monde sacré et fondamentalement différent du monde ordinaire que nous connaissons » (A. Pozarnik, Mystères et Actions du rituel d’ouverture en loge maçonnique).

 

Travailler de Midi à Minuit, c’est donc créer l’union de la nuit et du jour, de la lumière et des ténèbres, c’est le Pavé Mosaïque des maçons, c’est l’unité dans l’alternance entre le passé et l’avenir.

 

Et que nous avons l’âge… Au Premier degré, dans le Manuel d’instruction du grade d’Apprenti, à la question : Quel âge avez-vous ? L’interrogé répond… J’ai trois ans. Il est intéressant de comprendre pourquoi cet âge symbolique.

 

S'informer de l'âge maçonnique d'un Frère, c'est, lui demander quel est son grade. L'Apprenti maçon a trois ans, parce qu'il doit être initié aux mystères des trois premiers nombres. Il est à ce point remarquable que l'âge, la marche et une grande quantité de symboles du premier degré sont en rapport avec le nombre 3.

 

Plus loin, à la demande du mot sacré, il est répondu: Je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu'épeler, donnez moi la première lettre, je vous donnerais la suivante. Tous ces éléments ne sont pas innocents et sans rapport entre eux.

 

C'est le jour de son initiation que le nouvel Apprenti s'entend préciser que son âge symbolique est de 3 ans. Pourquoi 3 ans et pas trois mois, trois jours ou trois heures ? Pourquoi ne pas préciser dans nos rituels les fondements de ce symbole essentiel de l'identité maçonnique.

 

Dans les manuels maçonniques il est précisé que le chiffre de l'apprenti est trois et que c'est celui de la forme rationnelle. Rien sur la relation entre l'âge et le grade, tout au plus un ensemble d'hypothèses sur le nombre trois qui est un nombre parfait à partir duquel on peut construire la figure fermée la plus simple: le triangle.

 

Il est la base des nombres triangulaires, un signe de l'activité, de l'enthousiasme et du feu…

 

Si nous consultons des ouvrages spécialisés dans, la psychologie de l'enfant, nous apprenons que si son développement cognitif peut varier sensiblement selon son intelligence, son milieu culturel et les facteurs socio-économiques, son ordre de progression reste une constante incontournable.

 

Dans un premier temps, il y a le stade sensori-moteur ( de la naissance à environ 2 ans ), où l'enfant se reconnaît lui-même comme un principe d'action et commence à agir de façon intentionnelle. Par exemple il tire sur une ficelle ou il agite un hochet pour faire du bruit. Ensuite il parvient à la permanence de l'objet: il réalise que les choses continuent d'exister même quand elles ne sont plus présentes aux sens.

 

L'enfant commence à utiliser le langage où les mots en tant que symboles qui peuvent représenter des choses ou des groupes de choses. Vers 25-30 mois il traverse une période d'opposition qui traduit une affirmation du moi souvent impérieuse: l'enfant contredit et affronte son entourage à seule fin d'imposer son existence et son autonomie. L'enfant, ou l'homme ayant gardé ces dispositions naturelles des premiers âges, n'a rien à attendre de notre ordre. Il n'a pas atteint le niveau de développement que nous en attendons.

 

Les épreuves que nous faisons vivre au postulant lors de son initiation, lui permettent de vivre en accéléré cette période de sa vie où les éléments le conditionnent et développent son identité. Sa gestation dans le ventre de sa mère symbolisée par le Cabinet de Réflexion ; la perte des eaux par le toucher de la Terre ; la naissance par le passage de la Porte Basse ; le développement douloureux des poumons par l’épreuve de l’Air ; le lavage du corps de bébé par l’épreuve de l’Eau et l’agression de la Lumière pour la première fois par l’épreuve du Feu alors que les yeux ne sont pas encore ouverts.

 

A partir de 3 ans, la période d'opposition est remplacée par une période de séduction et de grâce, dominée par l'imitation des adultes et la recherche de l'accord affectif.

 

Dans cet univers, les objets n'ont pas de rapports stables entre eux; ce sont des valeurs, et les choses sont bonnes ou méchantes (.pavé mosaïque). L'enfant de cet âge et jusqu'à 5 ans vit uniquement sur le mode affectif ( fraternité ). C'est l'âge où un objet peut aussi symboliser un autre objet. Par exemple, en jouant, l'enfant peut prendre un bâton pour le chevaucher à travers la chambre; un bloc de bois peut devenir un mobile, une poupée etc.

 

L'affectivité et la coordination motrice progressent simultanément, en même temps que commencent les premières relations sociales avec les autres enfants. L'imitation est le plus souvent une identification imaginaire avec le modèle. L'éveil de la curiosité générale vers la définition des choses incite l'enfant à questionner sans cesse.

 

Cependant, même si l'enfant de 3 à 5 ans peut penser de façon symbolique, les mots et les images qu'il emploi ne sont pas encore agencés d'une manière logique. A cet âge l'enfant ne maîtrise pas encore certaines règles ou opérations.

 

Cela veut dire que le nouvel initié, ce nouveau né, ou deux fois né, va commencer à apprendre à lire et à écrire, comme autrefois il le fit au même âge, lettre par lettre, mais cette fois entre les lignes suivant un code particulier qui éveillera son esprit sur un état de conscience supérieur (Je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu’épeler. Donnez moi la première lettre je vous donnerais la suivante !). Il va apprendre à vivre les symboles et noter ses impressions dans des planches à la gloire de son maître architecte. L'Apprenti étudiera ainsi sur le grand livre de la nature, où il apprendra à sentir, penser, aimer, ainsi qu'à transcrire ses émotions dans la pierre, c'est à dire en lui-même, ou sur les matériaux de sa profession de foi.

 

L'Apprenti restera sur la colonne du Nord jusqu'à l'âge de 5 ans où l'Hatterie, cette petite glande que nous possédons au sommet du crâne et qui empêche la fontanelle de se souder, disparaitra en lui permettant d'acquérir d'autres dispositions qui le conduiront au travers du grade de compagnon vers l'âge de raison (7 ans et plus ).

 

Je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu'épeler Coup après coup, le maillet du tailleur de pierre frappe en épelant sur la pierre et le ciseau le nom de l'œuvre qu'il accompli.

 

Une fois initié, le symbolisme de la résurrection ne joue plus. Cependant, ce n'est pas parce que l'Apprenti est mort que le compagnon apparaît, mais parce que petit à petit le compagnon s'éveille, et qu'il prend la place de l'Apprenti.

 

L'âge donné au maçon ainsi que l'explication qui figure dans son rituel peut prêter à confusion et se révéler impropre puisque celui-ci exprime une notion de hiérarchie spirituelle, pas d'écoulement du temps.

 

Une fois compagnon, notre responsabilité n'est pas uniquement l'accumulation des devoirs des états précédents mais en plus, le devoir d'évoluer consciemment pour préparer l'étape suivante.

 

Qui suis-je ? s'interroge l'Apprenti.

 

Le penseur doit se placer lui-même dans des conditions de pureté et d’innocence qu’on attribue à l’état de  nature. C'est en revenant à la simplicité du plus jeune âge qu'on réalise les conditions les plus  favorables à la recherche désintéressée du vrai.

 

Le Jour de son initiation, le vieil homme meurt symboliquement de sa condition profane, pour renaître au-travers des différentes épreuves représentant la connaissance des quatre éléments. C'est alors qu'il découvre en accéléré les phases végétatives de ses trois premières années.

 

Dès sa naissance, l'enfant prend possession de son corps; il découvre peu à peu ses possibilités et cherche ses limites. Il lui faudra trois ans pour en avoir la maîtrise et commencer à s'ouvrir sur son environnement. Ensuite, toujours très dépendant des adultes, il écoute et apprend à parler. C'est l'apprentissage de la vie en société. En maçonnerie, le nouvel initié ne connaît rien du monde dans lequel il vient de pénétrer. Comme l'enfant de 3 à 5 ans, il découvre cette étrange société et peu à peu s'y intègre.