Il y a toujours un début, une naissance, et, pour un franc-maçon,  cette naissance débute dans le cabinet de réflexion, l’endroit où nous commençons à recevoir la lumière.

 

Le premier travail commence dans la pénombre, entre la lumière et l’obscurité, face à des éléments qui intriguent, fascinent ou terrorisent même. Deux angles différents s’offrent à nous: le premier permet d’avoir une approche assez large et symbolique du cabinet de réflexion, le deuxième est une approche plus subjective.

 

Tout d’abord, une description technique s’impose :

 

Le cabinet de réflexion est une pièce noire, souvent petite et sommairement meublée (chaise, table) où chaque postulant profane séjourne un moment avant son initiation. On trouve différents symboles qui peuvent varier d’une obédience à une autre, d’un rite à l’autre. En bref, il est composé d’une table en bois, une chaise, un crâne, du pain, du sel, du soufre, de l’eau et sur les murs peints en noir, d’autres dessins : un coq, une faux, la mention VITRIOL, des larmes, des citations plutôt menaçantes ou tout du moins de mise en garde.

 

L’ensemble de ces objets et dessins représente une partie de la symbolique maçonnique où chacun pourra voir et concevoir une représentation qui lui est propre.

 

Le cabinet de réflexion est, en théorie, sous terre, il faut descendre  18 marches pour le rejoindre et donc  « celui qui ne descendra pas, ne monteras pas ». Dans ce lieu obscur, isolé au milieu d’objets qui  rappellent la mort avec comme seule lecture, des maximes de fermeté et d’espoir, le futur initié est  seul avec lui même. Il opère alors une réflexion, un renversement sur lui même, un retour en arrière pour mourir symboliquement à sa vie de profane et se préparer à une vie nouvelle.

 

De nombreux auteurs voient dans le cabinet de réflexion un début dans la pédagogie maçonnique. Le profane plonge dans l’obscurité au milieu d’objets hétéroclites mais aussi morbides, il voit sa peur stimulée ; le cabinet de réflexion lui impose donc de vivre sa peur et de la gérer.

 

L’isolement du candidat symbolise la rupture, la mort d’un état passé, vers un avenir différent. Le but essentiel du cabinet est d’éveiller le profane à la réflexion.

 

C’est dans cet endroit obscur comme au centre de la Terre que le candidat écrit son testament : il ne s’agit pas du document que l’on enregistre chez un notaire, mais plutôt d’un écrit où il entérine sa vie antérieure, marquant le début de sa vie de franc-maçon.

 

On assimile ce cabinet à une grotte, à l’intérieur de la Terre voire au ventre de la mère. On parle aussi de caverne alchimique en référence au sel, soufre et mercure, ingrédients indispensables à l’équilibre de la pierre philosophale. Le cabinet est associé à la première épreuve (la terre) car il est en dehors du temple et sa découverte se fait avant l’initiation.  Nous pouvons regrouper les symboles en plusieurs classes, mais chacun d’eux peut faire l’objet d’une réflexion à part entière :

 

- Symboles de nature physique: La cruche d’eau et le pain

- Symboles temporels : Le sablier et la faux

- Symboles de nature intellectuelle : Le crâne et le testament

- Symboles lumineux : La bougie et les sentences

- Symboles hermétiques : Sel, soufre et mercure, le coq et VITRIOL

 

Le passage dans le cabinet de réflexion décuple les sensations de l’initié, et lui attribue une charge émotionnelle sans comparaison aucune, renforcée par l’attente de l’initiation et surtout par la rencontre des futurs frères et sœurs. Il peut vous transporter dans un état d’introversion complet par rapport à un environnement familial, professionnel ou social.

Quelle expérience étrange que de se retrouver face à soi-même, sans livre, sans musique, sans médias, avec la seule présence d’une flamme vacillante.

 

On parlerait presque d’un état schizophrénique  alors même que le fait de se regrouper sur soi permet de mettre son cerveau et ses sensations en éveil. C’est une expérience qu’il faudrait réitérer chez soi de temps en temps, telle des personnes pratiquant le yoga ou d’autres disciplines similaires permettant de ressentir ce même sentiment d’apaisement, de sérénité.

 

A cela s’ajoute la présence d’un symbole faisant partie intégrante  du cabinet de réflexion : Le Silence.

 

Pour apprendre à penser, il faut s’exercer à s’isoler, à s’abstraire, à faire silence pour pouvoir entrer en soi. Ainsi le profane est invité à faire le silence, afin qu’il puisse écouter au plus profond de lui-même les paroles de sagesse que lui inspire son cœur.

 

Le Silence s’impose à nous comme pour donner plus de gravité à l’instant, à éliminer la notion de temps qui nous échappe, et nous permet de prendre ce temps afin d’immortaliser notre testament, répondre à des questions qui peuvent figer une vie.

 

Le cabinet de réflexion est un passage de l’état de profane à l’état maçon. Il permet de vite comprendre qu’il n’est qu’ignorance lorsqu’il analyse les symboles, que son apprentissage sera long mais certainement passionnant, et surtout, pour la première fois de sa vie, il ne va plus étudier les matières classiques mais s’étudier lui-même. C’est peut-être à ce moment là qu’il faut savoir désapprendre ce que la société nous a tous inculqué pour réapprendre autrement.