La Franc maçonnerie d’aujourd’hui vue par un vieux maçon.

 

Peut-on être déçu par l’idéal maçonnique ? Personnellement je ne le pense pas. La méthode initiatique est une voie libertaire permettant l’éveil intellectuel au contact d’un groupe ayant les mêmes aspirations. Cependant, à partir du jour où, pour des raisons politiques, la Franc maçonnerie a du s’organiser en associations à buts soi-disant non lucratifs, certains de ses membres ont eu des velléités de pouvoir. Certes, ceux-ci sortant du rang avaient sans doute honnêtement servi cet Ordre respectable, mais conscients de leurs mérites, peut être ont-ils considéré qu’ils avaient d’autres devoirs que celui de servir, et se sont approprié le regroupement et la gestion administrative puis commerciale de plusieurs Loges, pour fonder ce que nous appelons aujourd’hui des obédiences.

 

Ce qualificatif d’Obédience n’est pas innocent car il signifie « obéissance, soumission à un supérieur ». Le dictionnaire Larousse précise « tout groupe qui reconnaît telle autorité spirituelle ou politique ».

 

Pour avoir suivi la voie étroite qui consiste à suivre les préceptes historiques de la Règle en 12 points de la Franc maçonnerie dite Universelle (la Grande Loge d’Angleterre) ; pour avoir gravit un à un les degrés autorisés jusqu’au presque sommet d’une hiérarchie que je reconnaissais comme nécessaire à mon développement moral et surtout intellectuel; pour avoir servi une cause qui n’était pas forcément celle qui convenait le mieux à mon idéal, je suis à même de pouvoir attester de la malhonnêteté intellectuelle de certains dirigeants qui se servent plus qu’ils ne servent la cause qu’ils sont censés pérenniser.

 

Aujourd’hui, pour être reconnu Maçon, il faut avoir été reçu dans une Loge régulière et dûment patentée, suivant un Rite ayant reçu l’approbation d’une obédience reconnue et acceptée par ses consœurs. Cette précaution est utile et nécessaire car elle ferme la porte à toutes dérives sectaires. Cependant, au sein même de cette communauté d’Obédiences, la discrimination règne lorsqu’il s’agit de double appartenance. Toutes ou presque se reconnaissent entre elles, toutes ou presque permettent à leurs membres de visiter les Loges de leur choix, mais toutes se réservent l’exclusivité de la capitation.

 

S’il faut que le profane fasse la preuve de sa liberté et de ses bonnes mœurs avant de franchir le seuil de nos Loges et acquérir la qualité d’initié, à partir du jour de son intronisation, sa seule liberté, outre celle de se taire, est celle de se démettre s’il veut la conserver.

 

Bien qu’elle ne rentre pas dans la liste des mouvements dits sectaires, la Franc maçonnerie obédientielle n’est pas une institution fréquentable. Son seul et irrecevable argument, est justement cette liberté de la quitter à tout moment. Pourtant, celui ou celle qui sincèrement a vécu ce que l’initiation lui a révélé, celui ou celle qui a foi dans les valeurs de la vraie maçonnerie, ne peut se résoudre à quitter ceux qui l’ont si fraternellement accueilli, et à poursuivre seul (e) et dans l’errance son chemin d’initié.

 

Malheureusement la comédie humaine se répète depuis la nuit des temps. Le pouvoir que chacun peut éventuellement s’attribuer corrompt les plus purs sentiments. Lorsque je vois dans les médias, de hauts responsables d’obédiences nationales se permettre de prendre des positions politiques au nom de la maçonnerie toute entière, je me demande à quel titre il le fait, car il y a autant d’avis dans nos Loges qu’il y a de maçons.

 

Depuis une vingtaine d’années, la Franc maçonnerie va effectivement très mal. Pour survivre elle se doit d’initier. Mais pour attirer de nouveaux adeptes, et surtout pour les conserver, elle n’a rien trouvé de mieux que d’adapter ses rituels à l’esprit laïc et républicain d’une population en mal de reconnaissance. C’est ainsi que peu à peu, au fil des générations montantes, nous avons perdu le sens du sacré et que se sont crées des mouvances parallèles qui n’ont plus de Maçon que le nom, bien que l’esprit traditionnel y soit préservé lors des cérémonies d’intronisation.

Pour que la Franc maçonnerie soit à nouveau respectée, il faut qu’elle soit respectable. Il faut que chaque individu, quelque soit le niveau auquel il est appelé à intervenir, le fasse avec discernement et conscience de n’être que le serviteur d’une cause qui le dépasse et doit lui survivre.