LE TABLIER ET LES GANTS
S’il était un uniforme de maçon, il serait constitué pour l’essentiel d’un tablier et d’une paire de gants. Ces derniers n’en restent pas moins des éléments incontournables de décor ou plus exactement de vêtements maçonniques.
Héritage dont la source se perd dans l’histoire, légué par le monde opératif pour lequel ils constituaient une protection, ces éléments restent encore aujourd’hui l’emblème du labeur.
Outre cet aspect, le tablier et les gants expriment en franc-maçonnerie de forts symboles ésotériques pour tous les frères. Cependant, il est indispensable, de nos jours, d’associer à la paire de gants reçue par le nouvel initié, la rose qui l’accompagne. Cette dernière, symbole végétal, représente aussi, d’une certaine façon, l’engagement et la quête d’un soutien.
Le tablier a été utilisé par différentes civilisations non pas comme un simple vêtement mais plus sûrement comme accessoire répondant à une nécessité de protection.
On lui prête, dans la société, un rôle égalisateur permettant la sélection par le rang. Souvent en cuir, il préserve l’homme et ses vêtements des humeurs de la matière blessée ou des outils mal menés.
Le tablier de l’apprenti est généralement fait de peau blanche, semblable à celle relatée dans la légende biblique qui revêt Adam et Eve lors de leur départ du paradis après le péché originel. La bavette relevée, car l’apprenti est encore maladroit et ses travaux relèvent du gros œuvre. La pierre est à dégrossir, cette action peut occasionner des éclats dangereux. En fait, le travail intérieur, encore mal appréhendé, ne doit pas être visible lors des tenues, préservant ainsi la quiétude de l’assemblée. On peut y voir une analogie avec le silence imposé à l’apprenti.
Le compagnon devenu plus habile et plus sûr, effectuera un travail de finition ne nécessitant plus la bavette relevée.
Une des définitions du tablier évoque son rôle protecteur sur certains centres subtils de l’être, en donnant un triple symbolisme :
- Personne vouée au travail.
- Appartenance à un milieu de travail.
- Protection contre les risques du travail.
Une correspondance toute symbolique avec l’homme pourrait être :
- La tête.
- La cage thoracique.
- L’abdomen et le bas-ventre.
La tête, dont le cerveau est protégé par le crâne, est le siège de la contemplation, de la réflexion, de la compréhension et de l’échange.
La cage thoracique est un rempart derrière lequel l’émotion, la purification, la générosité peuvent œuvrer sereinement.
L’abdomen est la partie laborieuse, creuset de tous les métaux, lieu de transformation, sorte de laboratoire. Le bas-ventre est lui le siège de l’affectivité et des passions.
A quelle partie doit correspondre le tablier ?
Il semble qu’il s’agit de l’abdomen et en particulier du bas-ventre pour au moins deux raisons :
1- Protection des effets extérieurs. Seul endroit du corps qui ne soit protégé par le squelette bien qu’il soit porteur d’organes vitaux.
2- Protection des effets intérieurs. Les passions et les pulsions, résurgence d’un état animal, peuvent être mal appréciées ou mal contrôlées.
On pourra constater que le tablier est constitué de deux parties, dont une seule est mobile.
La ceinture, solidaire de la partie inférieure, peut aussi symboliser un cercle magnétique délimitant ainsi la partie haute de la partie basse du corps, autrement dit l’une noble qui participe à la spiritualité de l’être et l’autre animale qu’il faut réfréner.
Le tablier, ornement protecteur, marque indiscutablement l’appartenance à une corporation. Il enseigne, à mesure, ce qu’on doit accomplir, nous renvoyant sans cesse à notre modestie, à notre humilité.
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La paire de gants participe, elle aussi, pleinement à l’identification du maçon et au symbolisme rituel en loge.
Les mains accompagnent souvent le verbe, rythmant et appuyant certains propos, qui peuvent être quelquefois menaçants.
Gantées, elles n’ont plus d’expressions, leur gestuelle est fondue. Toute émanation spirituelle ne passe que par la seule partie du corps encore découverte, « la tête ».
Le gant a symbolisé et symbolise encore bien des attitudes et des égards comme le jet de gant, signe de défit, ou la main dégantée, signe d’allégeance et de soumission.
Thor, protecteur des dieux dans la mythologie scandinave, était armé d’un gant de fer et d’un marteau. Le mime Marceau fait participer le gant à l’expression, au langage.
En maçonnerie, le gant fait partie intégrante à la fois du vêtement et du rituel. Issu de la maçonnerie opérative, il est, de nos jours, une protection devenue symbolique. Il met en exergue la fragilité de la main, peut-être faut-il prendre cette fragilité au sens figuré. En effet, la main exprime bien des états d’âme, parfois même des refoulements.
Cette évocation et ce magnétisme extériorisés par la main, peuvent gêner et troubler certains participants avisés. Gantée, de surcroît de blanc, elle n’est plus ! Elle fait partie d’un ensemble et participe donc, de façon neutre, au rituel.
Ce cocon blanc est symbole d’humilité, de pureté, de transparence mais aussi de réflexion. Il n’est pas question, ici, de dissimulation. Il s’agit plus exactement de la volonté d’accorder plus de temps et d’attention à l’étude de toute chose avant de se livrer entièrement.
De ce fait, l’extériorisation des émotions peut être travaillée, réfléchie et adaptée avec le maximum de recul et d’objectivité et avec comme seul vecteur la tête encore découverte.
A l’issue de la cérémonie d’initiation, l’apprenti recevait autrefois deux paires de gants, l’une pour lui l’autre pour offrir à la femme pour qui il avait le plus d’estime. Aujourd’hui, la seconde paire de gants est remplacée par un rose.
La rose est aussi associée au savoir. Elle est le trésor de la sagesse. Offerte à la femme qui a été choisie, elle symbolise une double obligation. Pour celle qui la reçoit une obligation de bienveillance et pour celui qui l’offre, l’obligation de se conformer à cette bienveillance.
Le billet qu’accompagnait la paire de gants que Goethe envoya à madame de Stein, renferme des propos forts et profonds :
« Voici un cadeau bien modeste, mais qu’un homme ne peut faire qu’une seule fois dans sa vie ».
Ragon nous rappelle et résume parfaitement la symbolique du tablier dans son rituel de l’apprenti maçon :
« Recevez ce tablier que nous portons tous, et que les plus grands hommes se sont fait honneur de porter. Il est l’emblème du travail, il vous rappellera qu’un maçon doit toujours avoir une vie active et laborieuse.
Ce tablier, qui est notre habillement maçonnique, vous donne le droit de vous asseoir parmi nous, et vous ne devrez jamais vous présenter dans ce temple sans en être revêtu, bavette relevée. »
Ces vêtements maçonniques, le tablier et les gants, nous rappellent que notre engagement et que nos travaux se font sous les auspices et A.·.L.·.G.·.D.·.G.·.A.·.D.·.L.·.U.·.
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