LES TROIS ANS DE L'APPRENTI
Dans le manuel d'instruction du rituel au grade d'Apprenti, à la question: Quel âge avez vous ?, l'interrogé répond: J'ai trois ans.
Que signifie cette réponse ?
S'informer de l'âge maçonnique d'un Frère, c'est, lui demander quel est son grade. L'Apprenti maçon a trois ans, parce qu'il doit être initié aux mystères des trois premiers nombres. Il est à ce point remarquable que l'âge, la marche et une grande quantité de symboles du premier degré sont en rapport avec le nombre 3.
Plus loin, à la demande du mot sacré, il est répondu: Je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu'épeler, donnez moi la première lettre, je vous donnerais la suivante. Tous ces éléments ne sont pas innocents et sans rapport entre eux.
C'est le jour de son initiation que le nouvel Apprenti s'entend préciser que son âge symbolique est de 3 ans. Pourquoi 3 ans et pas trois mois, trois jours ou trois heures ? Pourquoi ne pas préciser dans nos rituels les fondements de ce symbole essentiel de l'identité maçonnique.
Dans les manuels maçonniques il est précisé que le chiffre de l'apprenti est trois et que c'est celui de la forme rationnelle. Rien sur la relation entre l'âge et le grade, tout au plus un ensemble d'hypothèses sur le nombre trois qui est un nombre parfait à partir duquel on peut construire la figure fermée la plus simple: le triangle.
Il est la base des nombres triangulaires, un signe de l'activité, de l'enthousiasme et du feu…
Si nous consultons des ouvrages spécialisés dans, la psychologie de l'enfant, nous apprenons que si son développement cognitif peut varier sensiblement selon son intelligence, son milieu culturel et les facteurs socio-économiques, son ordre de progression reste une constante incontournable.
Dans un premier temps, il y a le stade sensori-moteur ( de la naissance à environ 2 ans ), où l'enfant se reconnaît lui-même comme un principe d'action et commence à agir de façon intentionnelle. Par exemple il tire sur une ficelle ou il agite un hochet pour faire du bruit. Ensuite il parvient à la permanence de l'objet: il réalise que les choses continuent d'exister même quand elles ne sont plus présentes aux sens.
L'enfant commence à utiliser le langage où les mots en tant que symboles qui peuvent représenter des choses ou des groupes de choses. Vers 25-30 mois il traverse une période d'opposition qui
traduit une affirmation du moi souvent impérieuse: l'enfant contredit et affronte son entourage à seule fin d'imposer son existence et son autonomie. L'enfant, ou l'homme ayant gardé ces dispositions naturelles des premiers âges, n'a rien à attendre de notre ordre. Il n'a pas atteint le niveau de développement que nous en attendons.
Les épreuves que nous faisons vivre au postulant lors de son initiation, lui permettent de vivre en accéléré cette période de sa vie où les éléments le conditionnent et développent son identité.
A partir de 3 ans, la période d'opposition est remplacée par une période de séduction et de grâce, dominée par l'imitation des adultes et la recherche de l'accord affectif.
C'est la période sensible où la relation paternelle aura des répercussions sérieuses sur la personnalité sociale ultérieure. En même temps se développe l'apprentissage du monde extérieur, avec la première vague des pourquoi? L'intégration des règles morales, assimilées à des faits et à des choses (réalisme moral).
Dans cet univers, les objets n'ont pas de rapports stables entre eux; ce sont des valeurs, et les choses sont bonnes ou méchantes (.pavé mosaïque). L'enfant de cet âge et jusqu'à 5 ans vit uniquement sur le mode affectif ( fraternité ). C'est l'âge où un objet peut aussi symboliser un autre objet. Par exemple, en jouant, l'enfant peut prendre un bâton pour le chevaucher à travers la chambre; un bloc de bois peut devenir un mobile, une poupée etc.
L'affectivité et la coordination motrice progressent simultanément, en même temps que commencent les premières relations sociales avec les autres enfants. L'imitation est le plus souvent une identification imaginaire avec le modèle. L'éveil de la curiosité générale vers la définition des choses incite l'enfant à questionner sans cesse.
Cependant, même si l'enfant de 3 à 5 ans peut penser de façon symbolique, les mots et les images qu'il emploi ne sont pas encore agencés d'une manière logique. A cet âge l'enfant ne maîtrise pas encore certaines règles ou opérations.
Cela veut dire que le nouvel initié, ce nouveau né, ou deux fois né, va commencer à apprendre à lire et à écrire, comme autrefois il le fit au même âge, lettre par lettre, mais cette fois entre les lignes suivant un code particulier qui éveillera son esprit sur un état de conscience supérieur. Il va apprendre à vivre les symboles et noter ses impressions dans des planches à la gloire de son maître architecte. L'Apprenti étudiera ainsi sur le grand livre de la nature, où il apprendra à sentir, penser, aimer, ainsi qu'à transcrire ses émotions dans la pierre, c'est à dire en lui-même, ou sur les matériaux de sa profession de foi.
L'Apprenti restera sur la colonne du Nord jusqu'à l'âge de 5 ans où l'Hatterie, cette petite glande que nous possédons au sommet du crâne et qui empêche la fontanelle de se souder, disparaitra en lui permettant d'acquérir d'autres dispositions qui le conduiront au travers du grade de compagnon vers l'âge de raison ( 7 ans et plus ).
Je ne sais ni lire ni écrire, je ne sais qu'épeler Coup après coup, le maillet du tailleur de pierre frappe en épelant sur la pierre et le ciseau le nom de l'œuvre qu'il accompli.
Une fois initié, le symbolisme de la résurrection ne joue plus. Cependant, ce n'est pas parce que l'Apprenti est mort que le compagnon apparaît, mais parce que petit à petit le compagnon s'éveille, et qu'il prend la place de l'Apprenti. L'âge donné au maçon ainsi que l'explication qui figure dans son rituel peut prêter à confusion et se révéler impropre puisque celui-ci exprime une notion de hiérarchie spirituelle, pas d'écoulement du temps.
Une fois compagnon, notre responsabilité n'est pas uniquement l'accumulation des devoirs des états précédents mais en plus, le devoir d'évoluer consciemment pour préparer l'étape suivante.
Qui suis-je ? s'interroge l'Apprenti.
Le penseur doit se placer lui-même dans des conditions de pureté et d’innocence qu’on attribue à l’état de nature. C'est en revenant à la simplicité du plus jeune âge qu'on réalise les conditions les plus favorables à la recherche désintéressée du vrai.
Le Jour de son initiation, le vieil homme meurt symboliquement de sa condition profane, pour renaître au-travers des différentes épreuves représentant la connaissance des quatre éléments. C'est alors qu'il découvre en accéléré les phases végétatives de ses trois premières années.
Le premier élément qui lui est proposé de rencontrer est la Terre. C'est pour lui, l'enfouissement nécessaire qui marque la fin de sa précédente existence. Cette mort annonce le passage vers une autre vie. Cependant, elle ne peut être considérée comme un premier pas dans sa-vie nouvelle, mais plutôt comme un état de gestation. Dans la Genèse, en tout premier lieu,-Dieu créa le ciel et la Terre. C'est du limon de cette terre que le corps de l'homme fut tiré.
Le deuxième élément que le récipiendaire rencontrera après une brutale expulsion hors de l'œuf fœtal symboliquement représenté par le cabinet de réflexion, sera l'air. Comme l'enfant naissant est projeté vers une nouvelle existence, le profane est extrait du monde souterrain et introduit dans le Temple. Le premier contact de l'être nouvellement incarné, avec son nouvel environnement sera cette douloureuse épreuve où ses poumons se remplissent, tandis qu'autour de lui s'animent des ombres hostiles, dans un tumulte étourdissant de bruits divers et effrayants. Il reçoit le souffle divin, l'œuvre du second jour de la création.
Le troisième élément de purification que le récipiendaire va reconnaître, sera contenu dans l'épreuve suivante, celle de l'eau. C'est le troisième jour de la création que Dieu assembla toutes les eaux répandues à la surface de la Terre, et les réunit dans le vaste bassin des mers. Quand il eut créé l’homme, Dieu le plaça dans un jardin délicieux arrosé par quatre grands fleuves qui, partant d'une même source, se dirigeaient vers les quatre points de l'horizon.
Le quatrième et dernier élément de purification rencontré par le récipiendaire lors de son initiation lui sera connu au travers de l'épreuve du Feu. Le quatrième jour de la création, Dieu créa le Soleil, la Lune et les Etoiles symboles du Feu sacré, pour séparer le jour de la nuit, et distinguer les mois, les saisons et les années. Quand il eut créé l'homme à son image Dieu créa la femme et leur donna sa bénédiction.
Au travers des épreuves subies par le profane en voie d'initiation, le vieil homme traverse le miroir et renaît de ses cendres. Mais celui-ci vient seulement de découvrir les éléments de son corps, et si son apparence n'a guère changé sa dimension spirituelle n'a guère évolué que de quelques années cosmiques. L'initiation et ses épreuves, le placent au rang de sa troisième année, au moment de la découverte de son identité.
Dès sa naissance, l'enfant prend possession de son corps; il découvre peu à peu ses possibilités et cherche ses limites. Il lui faudra trois ans pour en avoir la maîtrise et commencer à s'ouvrir sur son environnement. Ensuite, toujours très dépendant des adultes, il écoute et apprend à parler. C'est l'apprentissage de la vie en société. En maçonnerie, le nouvel initié ne connaît rien du monde dans lequel il vient de pénétrer. Comme l'enfant de 3 à 5 ans, il découvre ce monde et s'y intègre.
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