ETES-VOUS MACON ?
Planche tracée par Robert MINGAM
A la question : Etes-vous Franc-maçon ? Il convient de répondre « Mes Sœurs et mes Frères me reconnaissent pour tel ».
Cette première question, commune à presque tous les systèmes maçonniques, porte, grâce à sa forme particulière, la marque typique d'une question de reconnaissance. En donnant correctement, mot à mot, la réponse qu'elle réclame, nous fournissons à qui nous interroge la première preuve de notre connaissance des usages maçonniques. Il y a lieu toutefois d'ajouter que le simple fait de savoir répondre à cette première question n'implique pas l'acquisition légitime de cette connaissance; il ne préjuge donc pas de la régularité.
Cela mis à part, la question et sa réponse ont une portée initiatique véritable. L'Apprenti, sa réception une fois achevée, est souvent tenté de se considérer comme un Franc-maçon accompli. Or, la réponse qu'il donne doit l'inciter à ne pas affirmer lui-même qu'il a saisi toute l'essence de la Franc-maçonnerie; c'est à ses Frères Compagnons et Maîtres qu'il appartient de juger si tel est le cas. Aussi bien l'Apprenti s'appliquera-t-il à devenir un Franc-maçon véritable, à gagner la confiance, l'estime et l'amour de ses Frères plus anciens en Maçonnerie.
La réponse à cette première question invitera d'autre part les Compagnons et les Maîtres à ne jamais oublier que leur vie durant ils demeurent des Apprentis, quand bien même ils acquerraient les plus hauts grades et les charges et dignités les plus élevées de la Maçonnerie.
Il a donc suffit d’une cérémonie ponctuée d’épreuves symbolique et de deux serments (l’un de discrétion vis-à-vis des Sœurs et des Frères maçons, et l’autre d’allégeance à l’Ordre Mixte International du Droit Humain), pour que des membres à part entière de cette grande Fraternité qu’est la Franc-maçonnerie se reconnaissent comme tels (telles), et s’accordent leur confiance, leur amitié, et ce petit plus qui fait si chaud au cœur, notamment lors du partage de leurs énergies respectives dans la Chaîne d’Union.
Comme ces sculpteurs de génie qui prétendent que le chef d’œuvre est déjà dans la pierre avant même que le ciseau ne le laisse apparaître, des Hommes et des Femmes ont pu considérer que nous pourrions être l’une de ces pierres nobles et de bonnes qualité, digne de pérenniser la transmission de leurs traditions. Cependant, il leur faudra encore consacrer beaucoup de temps à la formation des artisans que nous sommes, car ne s’improvise pas maçon que veut. On ne naît pas Franc-maçon, on le devient peu à peu. C’est pourquoi la qualité de maçon s’accorde par degrés successifs. Et même si certains peuvent avoir des prédispositions naturelles pour être reconnus pour tel, seule l’initiation qui leur est accordée et beaucoup de travail sur eux-mêmes ainsi qu’en eux-mêmes en font de véritables fils de la Veuve.
C’est quoi être franc-maçon ?
Le manuel d’instruction au premier degré répond à cette question en précisant que le maçon est un homme libre et de bonnes mœurs. Encore faut-il s’interroger sur le sens et les limites de la liberté que l’Ordre consent à ses membres. Précisément, dans l’Ordre maçonnique mixte international du Droit Humain, l’homme est libre, lorsqu’il est débarrassé de tout préjugé, et qu’il considère les humains d’après leur valeur morale, et non point en raison de leur position sociale et de leur fortune. D’autre part, il est de bonnes mœurs lorsqu’il évite toute action préjudiciable à autrui. Bref, pour être reconnu Franc maçon, il faut être Tolérant et Fraternel, c’est bien connu. La tolérance étant d’admettre parmi nous quelques êtres imparfaits, et la fraternité serait de ne pas donner les noms.
Si la Franc maçonnerie se limitait à ces menues considérations, les règles de morale apprises par nos enfants à l’école primaire auraient été bien suffisantes pour faire de tous les français de bons et légitimes maçons. Comme l’exprimait Cyrano de Bergerac dans la tirade du nez, « Ah ! Non ! C’est un peu court, jeune homme ! ». Le Franc maçon ne peut se reconnaître dans ce succinct tuilage.
A QUOI RECONNAÎTRAI-JE QUE VOUS ÊTES FRANC-MAÇON?
A mes signes, paroles et attouchements, ainsi qu'à la répétition des circonstances de mon initiation.
Ici encore, nous sommes en présence d'une question formelle de tuilage, destinée à fournir des précisions sur l'appartenance effective à l'Ordre et sur les modalités de la transmission de ces signe, parole et attouchement.
En réalité, les signes extérieurs de reconnaissance ne sont plus un secret absolu; ils ont été publiés à maintes reprises dans les écrits prétendant trahir nos mystères. Chacun peut se les procurer; en revanche, il sera extrêmement difficile à un profane de décrire les modalités particulières de la transmission des signes, voire les circonstances de l'initiation.
C'est à ce dernier sujet que se rapportent presque toutes les questions suivantes. Cependant, cette seconde question acquiert également une portée initiatique par les actes symboliques auxquels elle fait allusion. L'Apprenti ne doit pas seulement prouver son appartenance à l'Ordre, mais aussi sa qualité de Franc-maçon; aussi est-ce à dessein qu'il lui est pas demandé simplement: "A quoi reconnaîtrai-je que vous appartenez à l'Ordre?". Par le signe, l'Apprenti doit fournir la preuve que moralement, il est Maçon; et, comme signe, fait allusion au châtiment dont l'ancien serment maçonnique menaçait le traître, il nous rappelle en même temps nos devoirs, et en particulier ceux dont nous nous sommes chargés lors de la prestation de notre promesse solennelle.
Par le signe d'apprenti, le Franc-maçon affirme qu'il est intérieurement couvert; il devient conscient de son devoir de réfréner toutes ses passions et de n'agir que selon les principes maçonniques. Pour cette raison, l'Apprenti pénètre dans le temple en faisant le signe de son grade. La forme particulière du signe lui rappelle le symbolisme de l'équerre qui doit sans cesse lui être présent à l'esprit.
La signification de la lettre J fait l'objet d'une question spéciale; elle se rapporte à la ferme volonté de faire le bien.
Et que nous dit l'attouchement? C'est la main ferme et sûre qui saisit amicalement celle du Frère; et sa pression lui dit: "C'est un Frère qui te salue". L'amitié et la promptitude à l'aide sont deux qualités sans lesquelles il n'est pas de vrai Franc-maçon. Aussi ne doit-on pas seulement se faire reconnaître à un Frère lorsqu'on désire en obtenir quelque service, mais avant tout lorsqu'on est en mesure de lui venir en aide.
Etre Maçon, ce n’est pas se couler dans un moule et ronronner ensemble, où chercher chez les autres ce qui nous fait défaut. Etre Maçon n’est pas chose facile. Il faut être disponible pour les autres et vigilant envers soi-même, c’est se remettre continuellement en question car les certitudes n’appartiennent qu’à ceux qui ne regardent que le passé. Nous vivons un siècle étonnant où la connaissance acquise est aussitôt dépassée ; où la technique, la pensée et la philosophie, l’art et j’en passe sont des sciences en marche. Toute documentation, quelle qu’elle soit est une image du passé. Si nous nous y arrêtons et considérons ainsi détenir la vérité, nous vivons alors à sa mesure et perdons notre si chère liberté. Pour s’accomplir, le Maçon ne doit pas vivre aux dépend de ceux qui l’ont précédé, il doit chaque jour réinventer sa vie.
Depuis plus de deux siècles, et dans le monde entier, les règles que nous suivons ici rituellement, rassemble des millions de Sœurs et de Frères qui se reconnaissent entre eux par des signes, des mots et des attouchements propres à leur qualité de Maçon. Malgré cela, leur statut n’est jamais acquis définitivement. Outre que celui-ci peut être conditionné au paiement annuel d’une substantielle capitation, il se mérite, car il est constamment remis en question par l’appréciation des autres membres de la confrérie, qui considèrent leurs qualités morales, en fonction du travail accompli en Loge, ainsi que dans leur environnement profane.
En Loge justement, chaque phrase prononcée au cours de nos cérémonies a été rigoureusement choisie par nos prédécesseurs pour créer une résonnance en accord avec le but à atteindre, c'est-à-dire, entre autres raisons « la fraternité universelle ». Aussi, pour nous exprimer en Loge, nous sommes contraints de respecter certaines règles de bienséance, (comme par exemple éviter les sujets polémiques), et nous avons le devoir d’éveiller sans contraindre nos Sœurs et nos Frères au degré qu’ils sont censés acquérir. Pour ce faire, nous disposons d’outils rappelant nos anciennes racines opératives, et d’un rituel dont les origines remontent au siècle des lumières.
Trois principaux éléments régissent nos lois et conditionnent notre appartenance à la Franc-maçonnerie, tout en permettant de s’y reconnaître:
1)- Le respect d’une règle commune à tous les maçons répandus sur la surface de la Terre ; (Dans notre Fédération Française du Droit Humain, ces règles essentielles à l’esprit de notre Ordre Philosophique et Spirituel sont incorporées par petites touches dans les règlements généraux, et passent malheureusement trop souvent au second plan, derrière l’administratif de nos constitutions internationales).
2)- Le respect exemplaire et rigoureux d’un rituel ayant force de loi sur les quatre continents ; (Cette condition est essentielle à la reconnaissance internationale de notre Ordre).
3)- Enfin, une liberté de pensée et d’appréciation des symboles présents ou suggérés dans notre environnement. (Il est à noter que le mot symbole qui vient du Latin symbolus, signifie également « signe de reconnaissance »)
De plus, le Franc-maçon doit être Libre et de Bonnes Mœurs. Cette condition de l'entrée dans la fraternité maçonnique paraît être fort simple; mais on constate néanmoins de grandes divergences à ce sujet. La notion "d'homme libre" est interprétée de diverses manières. Dans les buts de la Franc-maçonnerie, cette liberté exigée s'entendait sans doute par opposition à l'esclavage ou à une dépendance quelconque affectant le statut civique de la personne. Aujourd'hui cependant, à une époque où l'égalité juridique a triomphé, cette liberté exigée est d'ordre spirituel. Le futur Maçon doit apporter la preuve qu'il n'est l'esclave d'aucune passion; il importe que les opinions qu'il professe ne lui aient été imposées par aucune autorité, mais qu'il soit capable de former un jugement personnel sur le monde et les hommes, et d'agir selon ce jugement. Cette capacité implique dans une certaine mesure l'indépendance économique et sociale de la personne.
Pour ce qui est des "bonnes mœurs", nous n'exigeons pas de certificat de bonne réputation, semblable à ceux que délivrent les autorités de police; ce que nous voulons, c'est que les candidats à l'initiation possèdent l'estime des hommes dont, par leur valeur spirituelle et morale, le jugement nous importe. Nous exigeons du néophyte qu'il vienne à nous librement et obéissant à des motifs dignes. C'est sur ce point, extrêmement difficile à contrôler, que l'on se trompe le plus fréquemment; aussi est-il nécessaire d'agir avec circonspection et prudence. Nous devons être certains que de nobles aspirations conduisent le néophyte au seuil du temple, et non pas la recherche de quelque avantage matériel. Le rang social, le titre ou la situation économique du candidat ne doivent pas exercer d'influence sur la décision de la Loge. Peu nous importe que celui-ci porte un titre académique ou qu'il soit de condition modeste, pourvu qu'il ait le cœur à la bonne place, que sa moralité soit sans reproche et que sa culture et son intelligence soient suffisantes pour qu'il puisse récolter les fruits de l'enseignement maçonnique.
Les règles morales édictées par les très anciens fondateurs du Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien Accepté se doivent d’être rigoureusement perpétrées, car elles sont le ciment de notre Ordre. J’insiste sur le fait qu’il s’agit bien d’une Règle Initiatique, pas d’un règlement plus ou moins arbitraire. Car nous sommes membres d’un Ordre Régulier, au même titre que les Moines le sont dans leurs Monastères. Bien sûr, le temps ayant fait son œuvre, les Règles sont devenues plus souples, et une scission a pu s’opérer parmi des Sœurs et les Frères qui las de travailler exclusivement sur le « connais toi toi-même » ont préféré se séculariser en introduisant la notion de « progrès de l’humanité ». Cependant, réguliers ou séculiers ne sont que des mots en Franc-maçonnerie. Car dans l’esprit même de notre Ordre le spéculatif n’est que l’interface de l’opératif, le Maçon se devant d’achever au dehors l’œuvre commencée dans le temple.
Pour revenir au sujet de cette planche, aujourd’hui l’appartenance à une administration obédientielle est devenue incontournable pour jouir du statut de maçon et pour se faire reconnaître pour tel. Le maçon libre dans une Loge libre est une utopie bien séduisante, mais dans les fait, la seule vraie liberté d’un maçon dans son obédience, ormis celle de penser ce qu’ils n’a pas toujours le droit d’exprimer, est celle de démissionner discrètement si tel est son désir. La Franc maçonnerie n’est pas sectaire mais ne se prétend pas pour autant libertaire. C’est une société hiérarchisée. A l’extérieur, vis-à-vis du monde profane, elle s’est organisée en association loi 1901 où elle est soumise à déclaration. A l’intérieur, règne une certaine confusion quant au sens de notre démarche initiatique. Un certain folklore s’est installé visant à flatter l’égo de certains membres en mal de reconnaissance. Ceux-ci, affublés de décors et de titres ridicules font parfois oublier que derrière le tablier, symbole de notre filiation opérative, sommeille le maçon de base, le cherchant qui, en s’identifiant symboliquement aux outils qu’il manipule, en adopte l’esprit et spiritualise la matière pour la rendre intelligible à ses adeptes.
Outre les mots de semestre qui permettent de voyager et de se faire reconnaître comme bon et légitime maçons « par les membres d’obédiences amies exclusivement», j’insiste bien sur le terme « exclusivement », l’utilisation des signes, des mots et des attouchements ne sont en fait que de pseudos-garants vis-à-vis d’éventuelles incursions profanes.
A la question « êtes-vous maçon ? », nous sommes tenus de répondre «mes Sœurs et mes Frères me reconnaissent pour tel ». Etymologiquement, « re-connaître » pourrait suggérer « connaître à nouveau », mais cette interprétation peut difficilement s’appliquer à des maçons qui, bien que se considérant comme Frères, ne se sont souvent jamais vu auparavant.
Entre autres significations, le dictionnaire propose l’idée intéressante de « distinguer à partir de certains caractères ». Des Frères me reconnaissent pour tel parce qu’ils se reconnaissent en moi. Parce qu’au-delà des mots échangés se situe un vécu, celui de l’initiation. C’est lors de son premier passage dans le cabinet de réflexion, avant même d’avoir été reçu Franc maçon, que l’impétrant est censé avoir déjà traversé le miroir d’une vie chargée de mille préjugés profanes aveuglant son esprit. Cette mort symbolique, suivie d’une renaissance est donc la clé de notre initiation. C’est cette re-naissance qui nous permet d’acquérir de nouveaux préceptes. C’est peut-être pourquoi les concepteurs de nos rites ont utilisé ce terme de reconnaissance, car dans reconnaître il y « re-naître » c'est-à-dire « naître à nouveau ». Peut être également s’y cache t’il l’idée de connaissance, c'est-à-dire le sens même à donner à notre idéal : connaître et connaître à nouveau, « remettre chaque jour 100 fois son ouvrage sur le métier » nous propose Jean de LA FONTAINE dans « le Laboureur et ses enfants ».
C’est cette faculté de mourir pour renaître que les maçons utilisent chaque fois qu’ils se préparent à pénétrer dans leur Loge. Symboliquement, ils laissent leurs métaux à la porte du Temple. Dans cet espace consacré à leur idéal, ils viennent s’y régénérer, retrouver à la source cette part d’eux-mêmes qui les a fait reconnaître par leurs Frères, et que le monde profane tend à vouloir modifier.
Aussi, c’est pour avoir subit les mêmes épreuves, avoir été confrontés symboliquement aux mêmes éléments, s’être engagés par serment sur la voie initiatique du travail au bienfait de l’humanité, que les Sœurs et les Frères se reconnaissent pour tels. C’est ce vécu de l’initiation qui peut se lire dans le regard que nous portons sur nos semblables qui atteste aujourd’hui de notre qualité de Franc-maçon.
Créez votre propre site internet avec Webador