LE TABLEAU DE LOGE AU GRADE D'APPRENTI
Planche tracée par Robert MINGAM
Lorsqu’on observe le tableau placé au centre de la Loge, sur le Pavé Mosaïque, on s’aperçoit que celui-ci reflète les différents éléments présents dans son environnement. Les trois marches de l’Orient, les deux colonnes placées de part et d’autre de la porte d’entrée, le Delta Lumineux, le Soleil et la Lune, la Pierre Brute et la Pierre Taillée, l’Autel des Serments, les symboles des fonctions principales et bien sûr la Corde à 12 Nœuds terminée par les Houppes dentelées.
On peut donc s’interroger sur l’opportunité de la présence de ce symbole au centre même de ce qu’il représente, c'est-à-dire la Loge. Posé sur le Pavé Mosaïque, qui représente la Terre dans l’Univers, le Tableau est donc une représentation symbolique de la Loge, microcosme à l’échelle de notre espace sacré délimité par les Colonnettes Sagesse, Force et Beauté. Ces trois Colonnes rappellent le principe trinitaire et architectural des fondements de notre Ordre. En effet, la Franc-maçonnerie qui prend ses origines à l’aube des premiers bâtisseurs d’édifices sacrés, se réfère aux lois naturelles de l’harmonie Universelle, que l’on peut définir mathématiquement par le nombre d’Or et qu’un certain Pythagore a mis en équation.
Primitivement, les compagnons bâtisseurs des cathédrales avaient coutume de se rassembler dans un local annexé au chantier pour discuter des travaux en cours et comparer leurs techniques, voir pour rencontrer d’autres compagnons venus d’ailleurs. Ce local ayant différentes fonctions, n’était pas aménagé pour ce genre de réunion. Aussi, tout local où se réunissaient les Frères maçons pouvait être transformé en Temple. Il suffisait de tracer à la craie, sur le sol, le "Tableau" symbolique du degré auquel l’Atelier ou la Loge travaillait, considérant que cet espace sacralisé pouvait se refléter symboliquement sur son environnement, comme éclairé par-dessous. On effaçait ce "Tableau" après chaque tenue.
Parfois, les signes pouvaient être remplacés par des outils et des objets. Dans certains rites, tel que celui de Salomon utilisé par l’Ordre Initiatique et Traditionnel de l’Art Royal (OITAR) ou le rite Emulation d’inspiration Anglaise, les outils formant ce tableau y sont déposés par les Frères qui en ont la charge au moment de l’ouverture des travaux.
De nos jours, le Temple où se réunissent les maçons reproduit tous les symboles de ce "Tableau" qui est remplacé par une toile peinte placée au centre de la loge et qu’on déroule lors des travaux.
On peut trouver quelques similitudes entre le tapis de loge maçonnique et le tapis de prière musulman. En effet, tous deux ont une forme rectangulaire même si le premier n’a pas toujours eu historiquement cette forme, puis ils se déroulent et s’enroulent dans les mêmes sens, et enfin, chacun d’eux porte des symboles immuables tels le triangle, les colonnes et principalement les trois lumières pour le premier; le croissant lunaire et surtout la Qibla pour le second. La Qibla qui est considérée par les musulmans comme le centre de la Terre ou le centre du Monde.
Concernant le tapis de loge au 1er degré symbolique du REAA dont les proportions correspondent à un carré long formé de deux triangles dits « de Pythagore » celui-ci pourraient être considéré comme un assemblage hétérogène d'objets. Pourtant, celui-ci est une synthèse graphique de toute la symbolique de la Loge agissant comme un aide mémoire. Il concentre en une surface déterminée les symboles disposés de façon préétabli. La représentation du soleil, de la lune et des étoiles, suggère l'Univers tout entier dans lequel l’apprenti demeure omniprésent. Tout ce qui se trouve figuré dans le tableau le concerne avec la présence de la pierre brute et celle des outils tels le maillet, le ciseau, la règle à 24 divisions et le fil à plomb, dans la perspective de sa transformation en homme spirituel. L’apprenti devient en quelque sorte la colonne vertébrale du tapis de loge.
Les trois marches conduisant à l’Orient permettent d’accéder au seuil de la porte du temple et marquent le passage du monde profane au monde initiatique. Elles rappellent à l’Apprenti les trois voyages de son initiation, qui représentent son premier contact avec le monde spirituel et permettent la matérialisation d’une hiérarchie du grade d’Apprenti au grade de Maître. Elles symbolisent également son âge et sa marche rythmée au cours de laquelle lui sont progressivement révélés les secrets de son grade. Enfin, chaque marche évoque un état, une étape à franchir ou un progrès à réaliser. C’est la raison pour laquelle, la pierre brute, emblème de l'état d'imperfection qui est le sien, se trouve dans le temple sur le nadir, près de la première marche qui mène à l’Orient et du même côté que la colonne « BOAZ » comme le montre le tapis. Cette position n’est pas le fruit du hasard. Sa place montre vers quelle destination l’Apprenti doit cheminer.
La première marche s’identifie au premier pas de l’apprenti. La seconde représente le binaire qu’il doit dépasser au prix d’efforts pour se libérer des contingences matérielles et atteindre la troisième marche, symbole du ternaire.
Toutefois, en arrivant sur la troisième marche, l’Apprenti se retrouve en face d'une porte fermée et surmontée du Delta lumineux. Celui-ci, comme un phare qui oriente les marins en haute mer, représente la Lumière en direction de laquelle il doit marcher, mais il ne perçoit encore qu’une infime fraction de son rayonnement sous le seuil de cette porte.
Cette porte fermée présage donc un nouvel obstacle à franchir, une autre épreuve à surmonter dans cette quête vers la Pleine Lumière. Elle annonce le passage vers un autre état d’être de l’initié. Enfin, elle convie l’apprenti à un voyage difficile dont il ne connaît ni la durée, ni l'aboutissement, ni les formes et surtout ni les changements qu'il aura à lui faire subir.
De part et d’autre de cette porte fermée, on peut remarquer la présence de symboles qui ne concernent pas l'Apprenti. Il s'agit de la planche à tracer, de la pierre cubique à pointe, de l'ensemble équerre et compas et le niveau.
On peut y ajouter la deuxième colonne du temple qu'un frère de la colonne du nord ne peut encore connaître. Toutefois, cette deuxième colonne ajoutée à celle portant la lettre B marque les limites du monde profane.
Il en est de même pour la planche à tracer qui renferme la clef de l’alphabet maçonnique. Celle-ci sert à tracer les plans et les croquis concernant les travaux à faire sur le chantier du temple.
Le fil à plomb, signe distinctif du second surveillant, indique la direction qui va de la surface de la terre vers les profondeurs du nadir. Il est l'outil par lequel l’apprenti effectue sa descente en lui pour repérer ses rugosités et entamer sa purification. Le fil à plomb est au temple ce que le vitriol est au cabinet de réflexion.
Quant à la pierre brute, celle-ci a besoin d’être taillée pour être expressive. En cela, le maillet et le ciseau restent incontournables. Ce sont les premiers outils présentés au nouvel initié pour accomplir son premier travail de franc-maçon. Ils symbolisent respectivement la volonté agissante et le discernement de l’apprenti, sa force et son intelligence dans l’action. Interdit de verbe, l’apprenti retient ses pulsions, affine son sens de l’observation, améliore sa qualité d’écoute et ajuste son raisonnement afin d’utiliser au mieux ses fragiles connaissances.
S’agissant de la règle à 24 divisions, elle est l’outil de mesure par excellence de l’apprenti qui lui permet de vérifier si l’action conjuguée du maillet et du ciseau sur la pierre brute progresse conformément au projet. Elle est idéale pour apprécier la justesse des proportions. Enfin, elle symbolise et enseigne la rigueur, la norme et la droiture.
La corde à nœuds qui entoure le tapis de loge est pour le moins, l’emblème de la fraternité qui unit tous les maçons et en fait une famille à la surface de la terre. Cette fraternité doit amener chacun d’entre nous à se tenir prêt à aider ou secourir son frère en tout lieu et en toute circonstance. Cette corde porte également le nom de chaîne d'union et cette appellation fait penser à ce moment privilégié où les esprits ne faisant plus qu'un, les maçons se tiennent les mains à la fin des travaux, sans distinction de race, de religion ou de toute autre condition. La Loge et son tapis ne sont plus alors un lieu abstrait, mais une représentation bien réelle du monde.
Le tapis de loge est placé au centre d’un espace sacré délimité par les trois piliers Sagesse, Force et Beauté. Cet espace sacré est visible par tous les frères quelle que soit leur position autour de lui et focalise toute leur attention lors des tenues. Le centre de cet espace sacré est l’axe du monde ou axe mundi (en latin) qui traverse le milieu du pavé mosaïque. Ce pavé est la représentation symbolique du sol, de la terre ou du monde et la matérialisation du binaire.
Le tapis de loge placé entre l’Orient et l’Occident, le Septentrion et le Midi, le Nadir et le Zénith se trouve bien au Centre du Monde manifesté par ce principe que nous glorifions et qualifions de Grand Architecte de l’Univers.
Créez votre propre site internet avec Webador